Nouvelles attaques contre la démocratie en Hongrie : la Commission doit envoyer un dernier avertissement à M. Orban

Une fois de plus, l'état de la démocratie en Hongrie soulève de graves inquiétudes au sein de l’Union européenne. En effet, une audition organisée ce 22 janvier en commission des libertés publiques, de la justice et des affaires intérieures du Parlement européen, a mis en évidence une aggravation des attaques contre les libertés fondamentales et la société civile, illustrée par des descentes administratives dans des ONG qui défendent les droits des minorités.

Lire à ce sujet la lettre adressée par le Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe au gouvernement hongrois : https://wcd.coe.int/com.instranet.InstraServlet?command=com.instranet.CmdBlobGet&InstranetImage=2564455&SecMode=1&DocId=2164762&Usage=2


L’audition au Parlement européen fait suite à la publication de deux nouveaux rapports, émanant respectivement de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et du Conseil de l'Europe. Tous deux pointent une série de menaces qui pèsent sur les droits fondamentaux et sur le pluralisme médiatique et politique en Hongrie (voir ci-dessous).

 

Tanja Fajon, eurodéputée et vice-présidente S&D, a indiqué ce qui suit :
 
« L’audition de ce jour met une fois de plus en lumière les effets dramatiques de l’évolution du paysage législatif et politique en Hongrie. Concentration des médias, harcèlement des ONG, absence d’indépendance du judiciaire, rhétorique populiste contre les minorités : les exemples abondent de l’approche autoritaire de ce gouvernement européen. »
 
« Globalement, cette approche s’apparente à une menace systémique dirigée contre l’État de droit, et non à des violations individuelles des droits fondamentaux ou à des erreurs judiciaires. »

Birgit Sippel, eurodéputée et porte-parole S&D pour les libertés publiques, la justice et les affaires intérieures, a déclaré ceci :

« Il faut intervenir d’urgence ! Dans cet esprit, la Commission a adressé au premier ministre Viktor Orban et au gouvernement hongrois un ‘avertissement de violation de l’État de droit’. Elle lance ainsi un dialogue sérieux sur la situation générale de l’État de droit en Hongrie, susceptible d’aboutir à l’activation d’une procédure ‘Article 7’. »


Péter Niedermüller, eurodéputé S&D hongrois, a ajouté ceci :
 
« Le respect des valeurs et des lois européennes n’est pas une option, mais une obligation légale de tout État membre. »

« Nous devons instaurer un système qui accorde aux institutions de l’Union européenne le pouvoir de vérifier et assurer le respect, par l’ensemble des États membres, des valeurs européennes de démocratie, à l’instar de ce qui existe pour les pays candidats à l’adhésion à l’UE. »

« Notre Groupe et le Parlement européen ont à maintes reprises demandé l’instauration d’un tel système, qui continue à rencontrer l’opposition du Conseil. »

 
Conclusions principales du rapport du Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, Nils Muižnieks, après sa visite en Hongrie du 1er au 4 juillet 2014
 
Liberté des médias

• « … la simple existence de certaines dispositions a un effet d’intimidation sur la liberté journalistique. Cela est particulièrement vrai pour certaines sanctions graves, comme les amendes élevées. Même si elles sont rarement appliquées, elles semblent avoir poussé une série d’organes de presse à pratiquer l’autocensure. »
• « Le pouvoir administratif étendu du Conseil des médias, en matière de contenu des médias, reste également très problématique. (...) … [Le commissaire] note que la constellation politique en Hongrie [est] caractérisée par une majorité dominante. En y ajoutant les larges pouvoirs confiés au Conseil des médias, [il] aboutit à la constatation que cet organe n’est pas considéré comme indépendant de l’influence et du contrôle politiques. »
• « Le commissaire s’inquiète également de l’aggravation des menaces qui pèsent sur le pluralisme des médias. Il considère que des mesures comme le futur impôt sur les revenus de publicité et les restrictions de la publicité politique, constituent des tentatives additionnelles de juguler la liberté des médias dans le pays. »
• « Enfin, le commissaire regrette que les autorités hongroises n’aient pas profité de la réforme du code pénal pour décriminaliser la diffamation. Au contraire, la qualification pénale de la diffamation a été récemment renforcée et les sanctions encourues aggravées. »

Lutte contre l’intolérance et la discrimination
• « Le commissaire s’inquiète de la détérioration de la situation en matière de racisme et d’intolérance en Hongrie. L’anti-tsiganisme constitue la forme la plus flagrante d’intolérance et elle est illustrée par des manifestations d’une brutalité distinctive… »
• « Malgré les positions prises par les autorités hongroises, qui condamnent le discours antisémite, l’antisémitisme constitue un problème récurrent, qui se manifeste dans des discours de haine et des cas de violences contre des personnes ou des propriétés juives. L’influence croissante de la rhétorique extrémiste sur le discours des politiciens classiques et sur la société en général constitue une autre source d’inquiétude. »
• « Un autre aspect qu’il faut traiter prioritairement est la déplorable situation de nombreux Roms en matière de logement, qui vivent dans des quartiers séparés et dégradés. Il faut aussi traiter prioritairement l’effet discriminatoire de certaines mesures locales sur les Roms. »
• « Le commissaire s’inquiète des tentatives d’instaurer une législation qui criminalise la ‘promotion’ de l’homosexualité et d’interdire les Gay Pride annuelles, comme en 2011 et 2012. »

Droits de l'homme des immigrés, demandeurs d’asile et réfugiés
• « (...) le commissaire reste inquiet au sujet de la quasi absence d'alternatives à la détention, de l'arbitraire qui caractérise le régime de détention des demandeurs d'asile et de l'absence d'un contrôle judiciaire effectif. »
• « Bien qu’elle soit interdite par la loi, la détention de demandeurs d’asile mineurs constitue un autre sujet de grave inquiétude pour le commissaire. »
 
Rapport complet :

https://wcd.coe.int/com.instranet.InstraServlet?command=com.instranet.CmdBlobGet&InstranetImage=2662996&SecMode=1&DocId=2218468&Usage=2

 

Conclusions principales du rapport final de la mission d'observation électorale limitée (MOEL) du Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme (BIDDH) de l’OSCE aux élections législatives hongroises du 6 avril 2014

- 11 juillet 2014
 
• « Le principal parti au pouvoir a bénéficié d’avantages injustes, en raison d’une réglementation restrictive de la campagne électorale, de la partialité de la couverture médiatique et d’activités électorales qui prêtaient à la confusion entre le parti politique et l’État. »
 
• « (...) une série d’amendements clés ont affecté négativement le processus électoral, comme la suppression d’importantes procédures de contrôle et de contrepoids. La nouvelle constitution et un grand nombre de lois essentielles, dont la législation électorale, ont été adoptés moyennant des procédures qui contournaient l'obligation de consultation publique. Ceci a sapé le soutien au processus de réforme ainsi que la confiance dans celui-ci. »
 
• « Des éléments significatifs du système électoral ont été altérés, comme les dispositions qui transfèrent les voix excédentaires des candidats victorieux de chaque circonscription électorale vers les partis qui participent à l’élection proportionnelle nationale. Ce changement a entraîné l’attribution de six sièges supplémentaires à l’alliance Fidesz – Union civile hongroise et parti populaire chrétien-démocrate. »
 
• « (...) dans le contexte politique actuel, le processus de nomination de l’administration électorale a poussé de nombreux interlocuteurs de la MOEL du BIDDH de l’OSCE à exprimer leur manque de confiance dans l’impartialité de cette administration. »

• « Les amendements apportés en 2010 à l’Acte sur la citoyenneté hongroise permettaient à de nombreux Hongrois vivant à l’étranger d’obtenir la citoyenneté, tandis que les modifications de la loi électorale ont permis à des citoyens non-résidents permanents en Hongrie de voter. L’application de procédures d'enregistrement et de vote différentes aux électeurs résidant à l’étranger, selon qu’ils avaient ou non une résidence permanente Hongrie, a sapé le principe d'égalité du suffrage. Certains interlocuteurs de la MOEL du BIDDH de l’OCSE ont perçu cela comme une tentative de différenciation des droits de vote pour raisons partisanes. »

• « L’appel à des publicités gouvernementales quasiment identiques à celles du Fidesz a contribué au système de deux poids deux mesures et ne respectait pas la séparation entre le parti et l’État… »
 
• « D’autres pratiques ont sapé le pluralisme du marché des médias et renforcé l’autocensure des journalistes, comme le fait qu’un nombre croissant d’organes de presse appartient à des hommes d’affaires directement ou prétendument associés au Fidesz, et l’attribution de publicités officielles à certains médias. La limitation du temps de diffusion gratuite attribué aux candidats et l’absence de publicité payante sur les chaînes de télé commerciales diffusant à l’échelle nationale, ont empêché les partis en compétition à mener des campagnes électorales sur les médias… »

• « Les résultats de la surveillance des médias par la MOEL du BIDDH de L’OSCE montrent que trois des cinq chaînes de télévision ont fait preuve d’une partialité significative en faveur du Fidesz, en couvrant pratiquement la totalité de la campagne de ce parti sur un ton positif, tandis que plus de la moitié de la couverture de l'alliance de l'opposition avait une tonalité négative. »
 
 
Rapport complet : http://www.osce.org/odihr/elections/hungary/121098?download=true

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