La Commission propose des mesures utiles pour renforcer la zone euro, mais le Parlement doit être beaucoup plus impliqué

La Commission européenne a avancé, ce 21 octobre, plusieurs propositions qui visent à approfondir l’union monétaire et économique. Ces propositions font suite au « Rapport des cinq présidents » publié au mois de juin. Il s’agit de créer dans chaque État membre des « conseils de la compétitivité », ainsi qu’un conseil consultatif fiscal européen et une représentation extérieure plus unifiée de la zone euro ; il s’agit aussi de prendre de nouvelles mesures d’approfondissement de la coordination des politiques économiques de la zone euro dans le cadre du Semestre européen.
Le Groupe S&D salue la promptitude de l’initiative de la Commission. Il soutient son approche qui consiste à considérer la zone euro comme une seule grande économie et non juste un groupe de pays. Toutefois, les Socialistes & Démocrates veulent aller plus loin, afin de s’attaquer aux problèmes économiques et sociaux de l’Union. Dans cet esprit, ils déplorent le fait que la Commission n’avance aucune proposition pour renforcer la responsabilisation démocratique des décisions prises dans le contexte de la gouvernance économique européenne.

Maria João Rodrigues, eurodéputée et viceprésidente S&D pour les affaires économiques et sociales, a déclaré ceci :

« La Commission pousse à juste titre à l’achèvement de l’UME en avançant des propositions à cet effet. Cela est crucial pour réaliser des progrès en dépit des différences de vues entre États membres du Conseil. En effet, la fragilité de la zone euro menace gravement l’Union européenne dans son ensemble. Par conséquent, le Parlement s’est pleinement engagé à renforcer la zone euro avant que ne survienne la prochaine crise. »
« La Commission avance une série de propositions utiles pour l’évaluation correcte de la position budgétaire globale de la zone euro, en plus de l’évaluation individuelle des États membres. Elle plaide également à juste titre pour l’élargissement de la notion de compétitivité à l’innovation, à la force du capital humain, ainsi qu’à d’autres déterminants de la productivité à long terme. Toutefois, cela ne suffit pas à empêcher un nivellement par le bas ! Nous avons besoin d'investissements beaucoup plus nombreux pour renforcer à court terme la convergence économique. Et les plans de réduction des déséquilibres macroéconomiques doivent tenir compte d’indicateurs sociaux, comme la pauvreté et les inégalités. Toutes ces préoccupations doivent déjà être présentes dans la première étape de la réforme de l’UME. »

Elisa Ferreira, eurodéputée et coordinatrice S&D pour les affaires économiques et financières, a indiqué ceci :

« Il est interpellant que la Commission s’avère totalement incapable de tirer les leçons de la gestion de la crise, en particulier au sein de la zone euro. De plus, il n’y a aucune évaluation critique des instruments juridiques créés pour la gouvernance économique (paquets ‘gouvernance économique' et ‘surveillance budgétaire’, pacte fiscal), ni de l'immense problème créé par le glissement de la gestion de la crise de la méthode communautaire vers la méthode intergouvernementale fondée sur l’Eurogroupe. Or, le paquet ‘surveillance budgétaire’ et le paquet ‘gouvernance économique' avaient été instaurés par codécision entre le Parlement et le Conseil, et étaient centrés sur la Commission. À présent, la Commission propose de changer l’interprétation, le contenu et la compatibilité de tous ces instruments, sans évaluation préalable de ce qui n’a pas fonctionné. Elle place le Conseil et l’Eurogroupe au centre du processus, sans se rendre compte que cette approche était précisément un des éléments les plus dramatiquement négatifs de la gestion de la crise. C’est choquant. »

Pervenche Berès, eurodéputée S&D et auteure du récent rapport du PE sur la gouvernance économique, a ajouté ceci :

« Depuis le début de cette discussion au sujet de l'achèvement de l'UME, la nécessité du renforcement démocratique figurait au centre des préoccupations. Dans cet esprit, il est inacceptable de constater que les propositions de la Commission relatives au nouveau Semestre européen font qu’il sera plus difficile pour le Parlement d’influencer, avant le Conseil du printemps, le processus qui mène à l’adoption des recommandations adressées à la zone euro et des conclusions de l’examen annuel de la croissance (EAC), en raison du raccourcissement considérable des délais. Il est inadmissible que les recommandations concernant la politique économique européenne contournent totalement la légitimation parlementaire. Cela ne peut se réduire à un accord pur et simple entre Commission et Conseil ! »
« Or, le PE a demandé à maintes reprises la conclusion d’un accord interinstitutionnel approprié en matière de gouvernance économique, entre autres dans deux rapports dont j’avais la responsabilité (Note : il s’agit du rapport de la commission spéciale CRIS, sorti pendant la précédente législature parlementaire, et du rapport de cette année sur la gouvernance économique européenne). Le rapport des cinq présidents était notamment clair sur la nécessité de deux réformes de l’UME : plus de démocratie et plus d’Europe. Les propositions avancées aujourd’hui par la Commission ne répondent pas à ces nécessités. Elles ne mentionnent même pas l’intégration du mécanisme européen de stabilité au cadre communautaire. Par ailleurs, concernant la représentation extérieure de la zone euro, il est plus que paradoxal de voir la Commission non seulement proposer de mettre hors-jeu le Parlement européen, mais de se mettre hors-jeu elle-même, puisqu’elle offre le poste au président de l’Eurogroupe. »

Roberto Gualtieri, eurodéputé S&D et président de la commission Affaires économiques et monétaires du Parlement, a émis une critique similaire :

« Le paquet proposé aujourd’hui par la Commission contient quelques progrès intéressants et utiles, comme la recommandation de la zone euro, mais je déplore son manque d’ambition générale face aux nombreux défis auxquels la zone euro est confrontée aujourd’hui. En tant que parlement, nous attendions légitimement d’être impliqués de manière appropriée dans la mise en forme de cette première étape de la réforme de l’UME. Dans cet esprit, je ne peux que m’opposer au choix des instruments juridiques proposé par la Commission, qui transforme la réforme de l’UME en affaire exclusive de la Commission et du Conseil. Je ne pense pas que cela soit conforme à l’esprit du Traité en vigueur, ou en ligne d’une manière quelconque avec la pratique institutionnelle des dernières années dans ce domaine. La Commission a tort si elle pense que la réforme sera meilleure et plus rapide si elle exclut le Parlement européen et se remet entre les mains du Conseil. »